[QCM] #PrivésDeMG c’est : (A)2 jours avant la veille du surlendemain d’après-demain? (B)Des lustres que ça nous pend au nez? (C)Les deux?
par Yem
09 septembre 2013, amphithéâtre 1
Il est 7:45h, l’attroupement met du temps à s’écouler au travers des doubles portes qui viennent de s’ouvrir.
Ces têtes de toutes les formes, plutôt chevelues et peu ridées, Émilie leur trouve un air un chouilla plus jeunot que l’année passée. Après avoir joué des coudes c’est son tour de passer l’entrée. Sans perdre une seconde elle scrute rapidement l’ensemble de la salle pour dégoter une place.
Il ne lui semble pas qu’il y ait moins de monde qu’en 2012 et pourtant l’amphi 2 est fermé, alors qu’il leur permettait grâce à la vidéo d’assister au même cours qu’en amphi 1 et de bénéficier d’un peu plus d’espace vital. Aucune raison ne leur a été fournie concernant la fermeture. C’est donc sur un banc cassé rempli de culs serrés, qu’elle passera les 4 heures de cours de la matinée avec une fesse dans le vide.
Émilie est en PACES, où encore Première Année Commune aux Études de Santé. C’est l’année où les prétendants aux postes de médecins, sages-femmes, dentistes, kinésithérapeutes et pharmaciens, ont un enseignement et un concours commun. C’est l’année de la 2ème et dernière chance car elle redouble, comme la plupart des étudiants qu’elle a côtoyés au concours précédent. Mais malgré le caractère normal du redoublement, cette rentrée a un drôle de goût de réchauffé, une saveur amère. Munie de ses prises de note 2012, elle écoute le professeur décrire le tissu épithélial avec le même support, les mêmes phrases, les mêmes boutades.
Il leur répéte que la plupart d’entre eux n’iront pas au bout de cette année.
16 septembre 2013, chambre universitaire
Une semaine a passé, remplie de doutes et de mauvais sommeil. Émilie n’en peut plus. L’endurance qu’elle a maintenue au cours de sa 1ère PACES, elle ne se sent pas capable de la renouveler. Alors qu’elle aime étudier, que la biologie la passionne, le stress d’un nouveau concours, d’un nouvel échec, c’est trop. Malgré les messages d’encouragement, les statistiques de réussite au second passage plus que bonnes, elle n’a pas confiance et perd toute motivation. Elle abandonne. La physique aussi l’intéresse, direction les couloirs administratifs de l’Université. Administration qui, soit-dit en passant, UNE SEULE FUCKING SEMAINE après la rentrée, lui dit que c’est trop tard pour le semestre en cours et qu’il fallait se décider avant. Passons, c’est une autre histoire.
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Ce témoignage, très personnel, n’a pas pour vocation de généraliser la situation, mais il soulève chez moi des doutes quant à la formation initiale des soignants concernés par la PACES.
Ne peut-on craindre les effets néfastes de la maltraitance que subissent ces étudiants ?
Oui, la maltraitance est un mot dur, mais choisi sciemment : les étudiants sont gérés comme un troupeau, entassés dans un enclos à devoir subir régulièrement le dénigrement de la part de certains professeurs à l’égo surdimensionné *, ne reçoivent les informations qu’au compte-goutte (comme la date des résultats au concours, incertaine jusqu’à la veille), et doivent non seulement ingurgiter une somme considérables de connaissances, ma foi pourquoi pas, mais surtout les restituer essentiellement sous forme de réponse à des QCM (Questions à Choix Multiple) délibérément piégés et ambigus, pour sélectionner les… meilleurs ? Vraiment ? Ou alors les moins faibles ?
*Émilie évoque un professeur, qui, en même temps qu’il décrit les schémas projetés, évoque sans cesse ses exploits professionnels et personnels, tout en cassant du sucre sur le dos de tout le reste de sa profession. Il aime aussi parler de sa (grosse)… voiture, critique ouvertement certaines religions et bien sûr leur parlait de leur échec avec un sourire Ultra-Brite®. Bref : détestable pour parler poliment. Et bien aussi surprenant que cela puisse paraître beaucoup l’adorait…
Je me pose la question, à l’issue du concours, d’une véritable surreprésentation artificielle de personnalités endurcies et déshumanisées.
Bien sûr je n’oublie pas tous ceux qui ont eu leur concours par vocation, excellence ou chance (<–moi pour le dernier item).
L’humanité est à mon avis la valeur essentielle et primordiale pour être un soignant compétent, au-delà des compétences techniques nécessaires, mais non suffisantes à un soin de qualité.
C’est d’autant plus vrai en soins primaires, où nous nous devons de comprendre et d’apprécier l’individu dans sa globalité sociale, physique, mentale, afin qu’il soit pris en charge et orienté au plus près de sa situation réelle.
L’histoire d’Émilie témoigne que ces valeurs sont régulièrement bafouées, et ce dès le début des études médicales. Ce n’est alors que le début : les témoignages ne manquent pas sur la dureté de ce qui suit pour les étudiants en médecine notamment (je n’ai pas l’expérience pour les autres professions, mais n’hésitez pas à préciser en commentaire si cela vous concerne). Un travail de thèse concernant les internes en médecine générale a été écrit sur le sujet, c’est ici si cela vous intéresse.
Si rien ne change, rares seront les médecins qui, embûche après embûche, auront préservé leur capital humain, pour prendre soin de vous, de nous, et d’Émilie.
Les valeurs d’humanité et la défense de soins primaires de qualité, dont les médecins généralistes sont la porte d’entrée, doivent être inscrits dans le parcours des étudiants en médecine. Cela doit être intégré à leurs apprentissages dès le début, sans dénigrer les soins spécialisés, mais dans une optique de complémentarité. Le respect qui est dû à ces étudiants motivés et bûcheurs devrait être une priorité.
Ils sont notre relève, ils veulent soigner.
Et si, pour ne pas être #PrivésDeMG, on arrêtait de maltraiter les étudiants ?
L'avenir de la MG, un thème d'actualité, c'est aussi sur tous ces blogs, à toutes ces bonnes adresses:
- lehuitièmeblog
- docteurmilie.fr(1) et docteurmilie.fr(2)
- ElliotReid
- dzb17
- armance(1) et armance(2)
- docteurgece
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- mggenerationdeuxpointzero
- kalindea(1) et kalindea(2)
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- 1boufféematinetsoir(1) et 1boufféematinetsoir(2)
Réponses aux QCM QCM du titre : si je ne me suis pas gourée, tout est juste! Rendez-vous Lundi 23 septembre pour ne pas être #PrivésDeMG! QCM du texte : Aucune Ne me demandez aucune explication, je n'y comprends qued.
[…] 1boufféematinetsoir(1) et 1boufféematinetsoir(2) […]
Comme je comprends Émilie… Si je n’avais pas eu le concours du 1er coup, je ne suis pas sûre que j’aurais tenu le coup – et les conditions il y a 20 ans étaient me semble-t-il moins violentes.
Pour ce qui est de la maltraitance des étudiants, mais +10000!
Cela dit l’apprentissage dans la douleur, avec dénigrement systématique plutôt qu’encouragements constructifs, ne me paraît pas réservé aux études médicales – c’est quand même un fonctionnement largement répandu dans les établissements scolaires et universitaires français…
Après #PrivésDeMG , on pourra faire #PrivésDeStressEducatif si tu veux!
(Et des bisous à Émilie)
Merci pour elle! Oui, je veux bien croire qu’il n’y pas qu’en médecine que ça se passe comme ça mais ayant moi-même vécu la fac à une époque chanceuse avec des études cools, je trouve ça démoralisant! Courage les jeunes, on vous soutient!
Bonjour,
J’avais aussi cette crainte de « déshumanisation » des étudiants. J’ai eu les boules aussi quand j’ai vu ma fille se liquéfier peu à peu devant « l’esprit concours », elle qui passait ses vacances comme ASH en Long Séjour et qui adorait le contact avec les patients.
J’avais cette peur avant d’accueillir des internes dans mon cabinet. Ma plus grande surprise a été de constater que la grande majorité d’entre eux — qui ont choisi la médecine générale — sont en fait beaucoup plus humains que nous l’étions dans ma génération.
Je me régale avec ces jeunes qui sont des « tronches », mais qui — en plus — ont une humanité qu’ils aiment partager.
La différence avec « avant » est que ces étudiants choisissent la médecine générale, alors qu’elle s’imposait à beaucoup dans les années antérieures. Et nous ne choisissons pas la médecine générale par hasard.
Fait un gros câlin à ta fille et dit lui que la mienne semble très heureuse de devenir un enseignant chercheur qui se dirige, bien sûr, vers la recherche biomédicale.
Merci, je transmettrai bien sûr! Je ne doute pas que heureusement, plein d’étudiants soient et restent humains. Simplement le système paraît plus adapté à ceux qui le sont moins… Encore merci pour le soutien!
L’humanité est-elle la valeur « essentielle et primordiale pour être un soignant compétent » ? Voilà une bonne question pour l’épreuve philo de l’ECN (ah bon, y’a pas ;-) ?). Essentielle oui, primordiale je me pose la question. Si on a le choix, qui va faire le plus de dégât : un médecin inhumain ou bien un médecin ignare ? Après tout, pourquoi presque tout le monde adore le Dr. House (je ne suis pas certain qu’il serait aussi apprécié dans la vraie vie ;-) !) ?
N’est-il pas pertinent de sélectionner par leur résistance à la frustration des futurs médecins qui devront supporter 4 ans d’externat et au minimum 2 ans d’internat en hôpital où ils seront livrés pieds et poings liés à des médecins hospitaliers qui auront toute liberté de les traiter avec ou sans respect – intéressant d’ailleurs, de voir ce que ces médecins hospitaliers font de ce pouvoir presque sans limite qui leur est accordé.
N’est-il pas nécessaire de ne laisser poursuivre leurs études que ceux qui seront un jour capable de supporter les relations avec la CPAM, aussi bien qu’avec les patients – rares certes mais bien présents – « exigeants » ?
Sincèrement, si je prends le parti de l’antithèse, je n’ai pas pour autant de réponse à cette question, que je pense sincèrement ouverte.
Sélectionner ceux qui supporteront le mieux les affres du système: c’est ce qui est délibérément choisi aujourd’hui. Mais à mon sens la rentabilité à cours terme de ce genre de pratiques, est à opposer directement à celle obtenue à long terme dans un système idéal ou l’humanité est respectée dès le départ. Le soin technique est nécessaire mais ne fonctionnera pas aussi bien s’il n’y a pas l’altérité nécessaire, essence même de la relation.
Merci pour ce commentaire constructif!